Echange de services entre particuliers et confiance
"Je crois que ceux qui adoptent l’échange pour la garde de leurs animaux, ou d’autres formules de consommation collaborative, sont ceux qui, rusés comme des renards, ont saisi l’énorme intérêt qualité/prix de ces solutions et ont aussi compris qu'on peut faire confiance, en prenant tout simplement le temps de se découvrir, faire connaissance."
Blandine Damour, Fondatrice d'Animal Futé
Faire confiance est-il rationnel ?
L'entraide était complètement naturelle aux générations antérieures et j'ai la conviction que notre société gagnerait à revenir à ce type de liens sociaux de bon sens. Je crois que l'individualisme forcené qui règne en maître dans notre société actuelle ne va ni dans le sens de l'intérêt collectif ni dans le sens de nos intérêts particuliers. Et les retours que nous avons de ceux qui ont essayé la formule d'échanges de services gratuits proposée par Animal Futé (cf par exemple cette vidéo , les avis de nos adhérents ou leurs témoignages vidéo) tendent à prouver que cette intuition est juste. Ce qui a été baptisé récemment "Economie Sociale et Solidaire" (ou "consommation collaborative") n'est rien d'autre qu'un retour à ces ancestrales et salutaires entraide et solidarité, avec les moyens technologiques du XXIème siècle, notamment internet. Vendéenne d'origine, je fais partie de ces français qui tiennent à garder un bon sens "terrien". Garder les "pieds sur terre", en toutes circonstances, est important pour un(e) vendéen(ne), qui se laissera difficilement "embarquer" dans une entreprise hasardeuse. Aux équations du 5ème degré qui déterminent (hélas..) bon nombre de décisions (en occultant de nombreuses facettes du raisonnement, et pas des moindres..), les raisonnements simples, humains et rationnels me semblent préférables. A toutes les théories psychologiques et sociologiques tentant d'expliquer les relations humaines (systémie, énéagramme, DISC etc), je préfère le concret: le contact humain, les rencontres et les échanges.
Aux illusions d'amitiés "2.0" qu'entretiennent aujourd'hui les réseaux sociaux et toutes nos communications par l'intermédiaire d'applications mobiles (What'sApp etc) ou textos, je préfère, de loin, l'amitié "IRL" (In Real Life: Dans la Vraie Vie): se voir, se parler, échanger, débattre, se sourire, se gronder, se donner une tape amicale, se caliner, rire et pleurer ensemble, se balader, partager moments et activités In Real Life. Certains en sont à passer le plus clair de leur temps en jeux vidéos virtuels, voire parfois à vivre une deuxième vie (par exemple sur Second Life), fictive, sur le web. Nous vivons dans une société tellement sophistiquée, pleine d'artifices et de leurres, que nous perdons souvent de vue les fondamentaux des relations humaines: le dialogue, la solidarité, l'amitié. Les Vendéens sont un peu des "résistants" à l'individualisme posé par beaucoup comme une valeur admissible, ils ont l'altrusime dans leurs gênes. L'économie vendéenne est aussi un modèle original et efficace. Les raisonnements de long terme sont privilégiés aux calculs court-termistes, le dialogue direct au syndicalisme. Gérées de façon plus pragmatique et humaine, ces entreprises sont plus pérennes et leurs dirigeants suscitent d'avantage la confiance pour leurs salariés. La recette fonctionne puisqu'à l'arrivée la Vendée est un des départements au plus faible taux de chômage. Ce département où solidarité, dialogue, confiance et pragmatisme dominent illustre assez bien le principe exposé par Kenneth Arrow, prix Nobel d'économie dans les années 70:" "Virtuellement tout échange commercial contient une part de confiance, comme toute transaction qui s’inscrit dans la durée. On peut vraisemblablement soutenir qu’une grande part du retard de développement économique d’une société est due à l’absence de confiance réciproque entre ses citoyens."
Aussi je crois que les notions d'entraide, de solidarité, de confiance, de pragmatisme et d'altrusime sont liées entre elles et relèvent, toutes ensemble, du bon sens. Et je crois aussi que notre société gagnerait à redécouvrir l'amitié "In Real Life", le dialogue et les relations simples.
Ne passons pas à coté des choses simples.
Echanges de services entre particuliers et confiance: s'agit-il de faire une confiance aveugle ?
"Ensemble, on va plus loin" est le titre d'un livre de Gaëtan de Sainte Marie et Antoine Pivot, dont la préface a été écrite par Frédéric Mazzella (également vendéen), fondateur de Blablacar. Ce livre décrit la révolution de l'économie collaborative. Echange de services entre particuliers et confiance sont les bases de cette nouvelle économie, appelée également "consommation collaborative". "La croissance exponentielle du partage entre particuliers a été rendue possible par les outils digitaux permettant une mise en relation sans précédent, mais également par la création de liens de confiance entre des individus qui ne se connaissent pas" explique F.Mazzella. "L'économie collaborative ne peut pas fonctionner sans confiance, cette "croyance optimiste dans les intentions d'autrui". Car c'est bien de cela qu'il s'agit: croire a priori, sans connaître la personne, qu'elle est digne de confiance et qu'elle respectera son engagement, qu'elle n'a pas menti sur ses intentions. Dans le monde individualiste que nous sommes en train de quitter, c'est un sacré progrès vers le collectif ! " expliquent les auteurs du livre. Et ils précisent : " c'est parce qu'ils ont été parfois déçus d'expériences vécues avec des professionnels que ces citoyens se sentent plus rassurés en faisant appel aux services d'un pair."
Ce livre comporte également le témoignage de B.Damour, fondatrice d'Animal Futé, qui décrit comment la confiance naît entre les adhérents. Contrairement à une appréhension assez fréquente, il ne s'agit pas de confier son animal à un inconnu, ni de faire une confiance aveugle ! Et "l'essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu'avec le coeur" (St Exupéry, le Petit Prince)...
"Animal Futé est le premier site, lancé en avril 2012, qui permet aux propriétaires d’animaux de compagnie (chiens, chats, lapins, oiseaux, etc.) d’en échanger la garde, à tour de rôle, pendant les vacances, les week-ends et toute l’année. Cette formule collaborative permet aux propriétaires d’animaux de rencontrer leurs alter-ego, près de chez eux, pour pouvoir se dépanner facilement. Il suffit de prendre le temps de faire connaissance avec les autres adhérents, de vérifier que les animaux s’entendent, pour se créer, progressivement, un petit réseau de confiance, très précieux. Ce mode de garde est très apprécié pour sa qualité : savoir leur animal de compagnie heureux en leur absence est la priorité de ceux qui optent pour l’échange, par préférence aux pensions ou chenils souvent perçus comme des « cages ». Ce système est également très économique puisqu’il ne coûte que le prix d’une adhésion de 9,9 € par an pour chiens ou chats, les échanges entre adhérents étant ensuite gratuits. Or il faut savoir que toutes les alternatives de garde, qu’il s’agisse de pension, chenil ou familles d’accueil rémunérées (petsitting, pet signifiant « animal de compagnie » en anglais) coûtent, en moyenne, 15 € par jour (voire beaucoup plus à Paris, jusqu'à 60€ dans certains hotels pour chats.). Le prix de l’adhésion annuelle à Animal Futé est donc amorti en 1 jour et nos adhérents gardent, bien souvent, des contacts pérennes. Ceux qui essaient cette formule en sont ravis puisque la note moyenne des appréciations d’échanges est de 4,9 sur 5. Mais, au regard du nombre d’animaux en France (notamment 13 millions de chats et 7,5 millions de chiens), le nombre d’adeptes à l’échange est encore faible. La réticence la plus fréquente correspond à une appréhension erronée de la confiance nécessaire. Beaucoup de gens s’imaginent qu’il s’agirait de confier son animal à un inconnu, de faire une confiance aveugle. Or il s’agit, au contraire, de se donner les moyens de faire une confiance mesurée et raisonnable, en prenant le temps nécessaire à chacun pour faire connaissance, jusqu’à pouvoir avoir le sentiment que les autres adhérents sont aussi dignes de confiance qu’eux-mêmes ! Les adhérents s’observent et s’« apprivoisent », comme le Renard et le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.
Nos adhérents suivent les consignes du Renard pour s’apprivoiser :
«Il faut être très patient, dit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais chaque jour tu pourras t’asseoir un peu plus près...»
Pour certains adhérents (notamment ceux qui ont déjà pratiqué une autre formule de consommation collaborative de type échange de maison ou covoiturage), cet apprivoisement est très rapide : ceux-là ont déjà appris comment la confiance s’instaure entre inconnus, ils savent « apprivoiser ». Pour d’autres cet apprivoisement est plus long : ils se rencontrent d’abord en terrain neutre, dans un jardin public par exemple. Puis ils s’approchent un peu plus et s’ouvrent la porte de leurs domiciles respectifs. Et ils réussissent alors à confier cet animal, auquel ils tiennent tant, en étant parfaitement sereins. Et nous assistons très souvent à des naissances d’amitiés entre adhérents.
"Il y a deux espèces de sots: ceux qui ne doutent de rien et ceux qui doutent de tout." Charles-Joseph Lamoral, Prince de Ligne.
En conclusion, je crois que ceux qui adoptent l’échange pour la garde de leurs animaux, ou d’autres formules de consommation collaborative, sont ceux qui, rusés comme des renards (ils ont saisis l’énorme intérêt qualité/prix de ces solutions), ont aussi compris qu'on peut faire confiance, en prenant le temps de se découvrir. Il suffit de prendre le temps de s'apprivoiser, comme le Petit Prince et le Renard de Saint-Exupéry, au bémol près que le langage (source de malentendus selon le Renard) est souvent utilisé, c'est quand même plus simple ! "
Blandine Damour, Fondatrice d'Animal Futé: pour comprendre son fonctionnement: